top of page

Chapitre I

Dernière mise à jour : 29 oct.



L’obscurité absolue régnait, enveloppant tout d’un voile de ténèbres impénétrables. Une sensation de froid glacial se propageait de ses pieds jusqu’à la pointe de son crâne, s’infiltrant dans chaque fibre de son être. Un bruit répugnant et visqueux perça le silence, comme si une abomination indicible s’ouvrait lentement, exhalant une puanteur putride. Un geyser nébuleux se répandit sur le sol, se transformant en une boue compacte.

Des murmures sinistres et incompréhensibles se mêlaient aux bruits sourds qui résonnent tout autour. Des cris lointains de terreur se faisaient entendre. Une odeur de brûlé envahit l’air, tandis qu’une fumée épaisse et suffocante rendait chaque respiration douloureuse.


Soudain, un liquide jaillit. Du sang. D’un rouge sombre. Des bruits de démembrements et de chairs déchiquetées retentissaient en boucle, comme une symphonie cauchemardesque. Une boule de chaleur intense se logea dans sa main, consumant l’air environnant. Des rafales de balles fusaient, accompagnées du fracas assourdissant d’un hélicoptère en chute libre.


Une puissante explosion éclata, suivie d’une déflagration qui laissa place à un bourdonnement omniprésent et à des cris étouffés. Devant elle, des mâchoires démesurées, ornées de crochets sanguinolents, surgirent. Une tête sans yeux, fixée sur un corps cauchemardesque aux griffes ensanglantées, apparut dans toute son horreur. Brusquement, cette abomination s’élança vers elle à une vitesse effroyable, la mâchoire béante, les crochets en avant, prêts à la démembrer…


ree

Dans un sursaut, elle ouvre les yeux.

Qu’est-ce qui s’est passé ?

Ses paupières peinent à rester ouvertes.

J’ai encore fait un cauchemar…

Exténuée, elle referme les yeux.

J’ai mal à la tête…

Des spasmes la traversent. Tout son corps semble engourdi par des fourmillements.

Pitié, que ces cauchemars s’arrêtent…

Elle tente de bouger sa main pour la porter à son front, mais son corps paraît aussi lourd qu’une enclume.

J’ai si mal à la tête… Il faut que je prenne de l’aspirine, sinon ça ne passera jamais.

Au bord de l’épuisement, elle parvient enfin à ouvrir les paupières.

Qu’est-ce que… ?

Un épais brouillard aux reflets violacés flotte autour d’elle. L’atmosphère est étrange, inhabituelle.

Je rêve encore. Il faut que je me réveille.

Ses paupières lui semblent si lourdes qu’elle les referme. Mais, à peine est‑elle plongée dans l’obscurité que de minuscules lueurs scintillantes surgissent, perçant les ténèbres. Troublée, elle rouvre aussitôt les yeux.

Qu’est-ce que c’était ?

Sa respiration s’accélère. La texture de l’air est si dense qu’il semble imprégné de particules de glace, la picotant désagréablement à chaque inspiration. Ses yeux bougent lentement, scrutant les alentours, cherchant désespérément quelque chose à quoi se raccrocher. Mais, partout où son regard se pose, elle ne voit qu’une mer de brume épaisse.

Où suis-je ?

Son regard s’arrête sur une silhouette blanche, éblouissante au milieu de l’obscurité. Le drapé noir d’encre qui l’enveloppe accentue encore la pureté immaculée de l’être, un contraste si saisissant qu’il semble avaler les ombres elles-mêmes. Ses yeux abyssaux la transpercent d’un regard si profond qu’il paraît absorber toute lumière environnante. Paralysée par cette vision figurant le parfait équilibre entre la lumière et l’ombre, elle ouvre la bouche pour crier, mais sa voix reste bloquée.

Qui est-ce ?

La peur monte en elle. Elle tente de bouger, mais son corps, engourdi, ne répond pas.

Mais qu’est-ce qui se passe ?

Des images brouillées lui traversent l’esprit. La place de l’École-Militaire réapparaît, envahie de créatures effroyables, leurs mâchoires sanguinolentes prêtes à tout démembrer sur leur passage.

Mon cauchemar…

Affolée par cette vision, elle s’agite, tente de bouger ses membres paralysés. Après un effort douloureux, elle parvient à plaquer une main entre ses clavicules, espérant ainsi contenir sa peur. Mais ce qu’elle touche n’est ni sa peau ni le tissu familier de ses vêtements. C’est une matière étrange : plus douce que la soie, plus légère qu’une brise, plus chaude que le soleil, et pourtant aussi froide que l’espace. Une panique nouvelle la submerge. Elle retire brusquement ses doigts. Son regard tombe alors sur sa propre peau ocre, d’une pureté irréelle, puis sur un drapé étincelant, parsemé de points de lumière pâles et scintillants. En voyant cet habit, des flashs de sa transformation sur la place de l’École-Militaire lui reviennent.

Non, non, non !

Au milieu de sa confusion, elle perçoit un son étrange, le son d’une voix.

— Bonjour, Lilu, ton esprit se réveille enfin de son sommeil de régénérescence.

Cette voix ne ressemble à rien de ce qu’elle a entendu jusqu’à présent. Son timbre crémeux et doux s’élève comme un murmure bienveillant, enveloppant l’air d’une chaleur apaisante.

Je m’appelle Lola ! pense-t-elle, dépassée par les événements.

La panique continuant de l’envahir, elle presse ses paupières aussi fort qu’elle le peut, et s’ordonne mentalement :

Allez, réveille-toi, Lola ! C’est encore un foutu cauchemar ! Réveille-toi !

Un frisson glacial parcourt son corps, suivi d’un tremblement. Une sensation impalpable s’insinue alors dans sa poitrine, remontant le long de sa colonne vertébrale jusqu’à son crâne. Une voix résonne directement dans sa tête :

« Tu es bel et bien éveillée, Lilu. »

Elle ouvre brusquement les yeux, affolée.

Il est dans ma tête. Non… il n’est pas dans ma tête. Il a utilisé… Non, impossible, ça ne peut pas exister.

— Avoir recours à l’onde-de-pensée me permet de te prouver que tu es parfaitement éveillée, explique l’être d’un ton qui se veut rassurant. Il est tout à fait normal que cette situation te paraisse invraisemblable, néanmoins te laisser dans cet état végétatif serait déraisonnable.

Il la fixe de ses yeux empreints d’une douceur si intense qu’ils semblent la caresser du regard.

— Je suis l’une de tes créations, Lilu, se présente-t-il. L’appellation de Casiteg m’a été donnée à mon éveil. Toutefois, il est plus probable que tu me reconnaisses sous celle de Casi.

À l’écoute de ce nom, les souvenirs de cet ami imaginaire affluent. Toujours présent pour l’apaiser, Casi était capable de détruire les créatures de ses cauchemars en un instant. Enfant, elle l’invoquait régulièrement pour affronter ses terreurs nocturnes. Elle se rappelle avec une clarté surprenante ces nuits où, effrayée par des monstres invisibles, elle se blottissait sous ses couvertures, le cœur battant à tout rompre. Dans ces moments-là, un murmure suffisait, et, aussitôt, elle imaginait que Casi surgissait de l’obscurité, repoussant les ombres menaçantes d’un simple geste. Avec son calme imperturbable, il était devenu son protecteur.

Il est réel ?

Sur le coup, elle refuse d’y croire. Pourtant, une nouvelle vague de souvenirs surgit. Elle revoit la silhouette éclatante de Casiteg, debout aux côtés d’un être à la noirceur presque surnaturelle. Tous deux faisaient face à une ouverture béante dissimulant les immeubles de l’avenue de la Bourdonnais.

— Il est indéniable que je suis réel, confirme Casiteg, la tirant de ses pensées. Même si je te déconseille de toucher ma peau pour l’instant. Sa texture pourrait te perturber plus que tu ne l’es déjà.

Il fait une pause, ses yeux insondables l’étudiant avec douceur.

— En revanche, il serait intéressant d’observer comment tu te familiarises avec ta nouvelle agoïatre maintenant que tu as quitté Terre.

En entendant le mot « agoïatre », le corps de Lilu se crispe. La vague de panique qui s’était emparée d’elle la submerge à nouveau.

— Si tu souhaites connaître son appellation, tu peux la nommer Stélani. C’est une toute jeune agoïatre qui n’en est qu’à son deuxième stade, celui de l’Eau.

Ses yeux s’ouvrent en grand et parcourent l’espace environnant, mais, partout où son regard se pose, elle ne voit que ce brouillard opaque.

— Il t’est encore impossible de découvrir ses merveilles, car le brouillard qui t’entoure empêche la Connaissance de s’activer.

La Connaissance ?

— Dès qu’elle s’enclenchera, de nombreux messages et informations te seront accessibles, comme lorsque tu étais dans le monde primitif d’Ebdïon.

Le mot résonne comme un gong dans son esprit. Quelque chose se débloque. Un souvenir remonte, suivi d’un nom qui s’impose avec violence.

Solal !

Le choc est instantané. Elle se redresse d’un bond, et la réalité la percute de plein fouet. Son corps n’est plus celui d’un humain. Elle le sent maintenant. Tout est différent. Cette peau qui irradie doucement, ce drapé fait de lumière cristallisée. Les larmes montent, brûlantes. Elle ne cherche même pas à les retenir. Mais dès qu’elles touchent ses yeux, elles s’évaporent. La douleur la transperce, brutale, comme si on lui versait de l’acide dans les

orbites.

Je connais cette horreur, gémit-elle. C’est la même que sur la place de l’École-Militaire.

L’air devient aigre et brûlant dans ses poumons. Un feu remonte de son ventre jusqu’à sa gorge. Sa tête bourdonne. Son corps vibre, secoué de l’intérieur, jusqu’à lui faire perdre pied. Elle tombe à genoux, les doigts crispés sur son cou, cherchant désespérément de l’air. Casiteg lève la main, prêt à intervenir. Mais deux ondes, dures et froides comme l’acier, le traversent soudain. Un message net s’impose en lui :

« Je fissure le temps ! » « Maintenant ! »


 
 
 

Posts similaires

Voir tout

Commentaires


llll.jpg

Livre 1

Découvrez les 5 premiers chapitres

OU

Livre 2

bottom of page