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Chapitre V




— Antoine, tu bouges ? On va finir par être en retard, hurle Solal, assis sur le canapé de Lola. 
Une semaine sur deux, Antoine fait le voyage depuis Londres pour passer le week-end avec Lola, profitant de cette occasion pour assister aux matchs du Stade français. 
— C’est toi qui dis ça ! rétorque ce dernier, dont la masse de cheveux châtains déstructurés passe par l’encadrement de la porte. Et toi, tu ne réagis pas ? lance-t-il à l’intention de Lola, qui est postée sur la marche de sa porte-fenêtre, occupée à fumer une cigarette.
— Il a raison ! On va louper le début du match si tu ne te bouges pas, le raille-t-elle. 
À ces mots, Antoine repart dans la chambre en grommelant. 
— Alors, t’en penses quoi ? demande Lola à Solal. Tu comprends quelque chose à ces textes, toi ?
Entre ses mains, son ami tient les trois feuilles que Guillaume lui a confiées.
— Non, rien de rien. Par contre, cette histoire de Science Infuse conservée dans les gènes des hommes, ça me dit quelque chose. Mais je n’arrive pas à me rappeler où je l’ai déjà entendu.
— Lola ? l’interrompt la voix étouffée d’Antoine depuis la chambre. Où tu as rangé mon maillot, s’il te plaît ? Je ne trouve rien dans ta montagne de fringues.
— Pourquoi tu ne m’as pas demandé avant ? s’écrie-t-elle en se levant d’un bond. Tu vas encore mettre le bordel dans mon armoire.
Solal entend Lola râler dans la pièce d’à côté, mais n’y prête pas attention. Il fouille désespérément dans sa mémoire, essayant de se souvenir où il a entendu parler de cette Connaissance innée. Puis, en relisant une énième fois l’extrait de la lettre de Gustave Moreau adressée à Léopold Goldschmidt, une discussion entre Anna et Victor lui revient… 

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— Mais arrête tes conneries, Anna ! s’agaça Victor d’un ton rêche. Ce que raconte ta fille est totalement irrationnel. 

— Le monde de Lola est bien trop vaste pour que ce soit une simple coïncidence ! s’énerva alors Anna de sa voix forte, avec son accent espagnol prononcé. Victor, ma fille a quelque chose en plus. 

— Tout parent normalement constitué pense que son enfant est extraordinaire, s’exaspéra-t-il. L’univers de Lola montre simplement qu’elle a une riche imagination et un esprit créatif. 

— Arrête, je sais parfaitement ce que je dis ! s’irrita Anna. Elle sait des choses que nous ignorons…

— Non, mais tu dérailles complètement ! s’emporta Victor en levant les bras au ciel. 

— ¡Dios mío! Ses amis imaginaires sont extrêmement complexes, et tous développés à partir d’éléments comme l’Eau ou le Feu. Ses forces et ses super-forces, dont elle nous parle sans arrêt depuis plusieurs semaines, reprennent des lois de la physique qu’une enfant est incapable de connaître. Elle est connectée à quelque chose… 

— Anna, l’interrompit-il, elle répète simplement ce qu’elle entend. Lola est un véritable perroquet ! 

— Hier encore, elle m’a dit qu’on pouvait communiquer avec des ondes, s’obstina Anna, dont l’accent ressortait de plus en plus à mesure que sa colère grandissait. Des ondes, Victor ! Comment une enfant de quatre ans pourrait savoir ça ?

— Elle t’a entendu en parler et elle les a juste réutilisés dans son monde imaginaire ! 

— Je n’ai jamais parlé d’ondes devant elle, s’égosilla Anna. Elle détient un Savoir que nous n’avons pas !

— Là, ça devient grave ! éclata Victor en faisant les cent pas. Il faut qu’Alessandro arrête ses reportages, qu’il ne te laisse plus seule avec ta fille. Cette situation te monte à la tête, et tu en perds la raison. Ça devient vraiment dangereux. Pour Lola, mais aussi, et surtout, pour toi ! 

— Je sais ce que je dis, Victor, s’insurgea Anna. Je ne suis pas folle, je suis seulement…

— Qu’est-ce qu’il se passe ici ? demanda alors Rosa en entrant dans la pièce, tenant la petite main de Lola. Attendez, ne me dites pas que vous vous disputez devant Solal, leur fit-elle remarquer en leur jetant un regard glacial. Vous devriez avoir honte de hurler ainsi devant un enfant d’à peine cinq ans. Viens, mon cœur, dit-elle d’une voix maternelle en tendant son autre main vers Solal. On va aller se faire un chocolat chaud, avec une montagne de chantilly.  


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Les souvenirs de Solal s’arrêtent net à sa sortie de la pièce.
— Elle faisait vraiment des recherches sur le monde de Lola…, souffle-t-il d’une voix à peine audible, estomaqué. Pourquoi je me rappelle de ça maintenant ? 
— Rappeler de quoi ? demande Antoine qui sort de la chambre, vêtu de son maillot, suivi de Lola. 
Pris de court, Solal repose d’un geste les photocopies sur la table et se lève d’un bond pour mettre son blouson en disant :
— Rien, rien, je parle tout seul. 
Et se retournant vers Lola, il ajoute : 
— Cette semaine, ça te dit qu’on aille au musée Gustave Moreau et qu’on regarde les toiles de l’artiste ? En plus, il y a une nouvelle expo que tu vas adorer.
Solal sait que parler de musées ou d’expositions est le meilleur moyen de faire fuir Antoine. Ce dernier n’est pas à l’aise avec le monde de l’art et ne s’y intéresse que pour faire plaisir à Lola. 
— Yes, je comptais y aller jeudi, lui répond-elle en enfilant une veste. 

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Le jour venu, Lola attend Solal devant le musée quand, soudain, son portable se met à sonner. 
— Hello, mon Sunshine ! dit la voix chaude d’Antoine. 
— Hello, mon cœur ! Tu ne travailles pas ? s’étonne-t-elle. 
— Je suis dans un taxi. Mon rendez-vous client est à l’autre bout de Londres et tous les métros et bus sont arrêtés. Je comprends qu’ils célèbrent le premier mois de la disparition de la reine, mais ils n’ont pas besoin de tout bloquer trois jours avant, râle-t-il. Et toi, tu es au Musée ?
— Je suis devant, répond Lola. Et devine qui est encore en retard…
— Pourquoi crois-tu que je t’appelle ? se moque Antoine. Ça avance, les recherches pour ton mémoire ? 
Pour éviter les questions gênantes, Lola a raconté à Antoine et son entourage que son mémoire portait sur les civilisations représentées dans les œuvres de Moreau.
— Je suis en train de faire le tri dans les œuvres, ment-elle. Pour la Grèce, je vais choisir celle de Jupiter et Sémélé. Pour l’Égypte, je ne sais pas encore.
Un texto s’affiche en haut de son écran et l’interrompt. 
— Sunshine ?
— Yes! Désolée, c’est Léa qui me propose de prendre un verre dans la soirée. Mais j’ai la flemme d’aller dans le xe. En plus, je vois Rosa ce soir, elle veut qu’on aille en Italie pour les vacances d’octobre.
Un blanc s’installe.
— Dory a encore frappé ! la raille-t-il. Heureusement que je t’aime et que je ne me vexe pas lorsque tu m’oublies. 
Lola tape son front avec le plat de sa main en levant les yeux au ciel, agacée de sa propre étourderie.
— Pardon, pardon, pardon ! répète-t-elle, embarrassée. J’avais totalement zappé notre semaine à Londres. Parfois, je suis vraiment…
— Hé, petite chose ! 
Surprise par la voix de Solal dans son dos, Lola sursaute et laisse tomber son portable sur les pavés.
— Tu vois, j’ai fait vite ! plaisante-t-il en arrivant à sa hauteur. 
— Pardon ?! Nous avions rendez-vous à trente, je te rappelle ! lâche-t-elle d’une voix légèrement tendue, en ramassant son téléphone. Tu as intérêt à avoir une excuse en béton pour avoir encore vingt minutes de retard. Antoine, je te mets sur haut-parleur, le prévient-elle.
— Je discutais avec Nour, explique Solal en passant sa main dans ses boucles noires, se rapprochant du micro pour qu’Antoine entende aussi.
— Tu quoi ?! s’exclame-t-elle en écarquillant les yeux, oubliant instantanément son irritation. J’ai bien entendu « Nour » ? 
— C’est plus fort que moi…, dit-il. Même si elle est en couple, j’ai vraiment eu un coup de cœur pour elle. Et quand je lui ai dit que je venais ici, elle m’a parlé d’une œuvre de Moreau conservée dans le département des Arts graphiques du Louvre, qui reprend le thème de Cléopâtre. Toi qui fais des recherches sur l’Égypte antique en ce moment, c’est parfait. Je me suis déjà renseigné pour qu’on aille la voir. Sauf qu’il y a des listes d’attente monstres pour l’accès aux archives. Je vais être obligé de demander à papa de faire jouer ses relations…
— Quand on mêle art et boulot, Victor répond toujours présent, précise Lola. Donc ça ne devrait pas poser de problème. 
— Attends, tu as bien dit au Louvre ? s’étonne Antoine. Mais les œuvres de Moreau ne sont pas de la fin du xixe siècle ? Sol, tu ne m’as pas dit que le Louvre n’exposait aucune œuvre de la seconde moitié du xixe siècle ? 
— Si, mais elle est conservée dans les réserves, précise Solal. Les archives d’Orsay sont au Louvre.
— Je ne comprends rien à votre organisation dans le monde de l’art, souffle Antoine. Le Louvre, c’est le Louvre. Orsay, c’est Orsay. Ne me mélangez pas les deux ! Sincèrement, ça ne pourrait pas être plus simple ? 
— Il va nous faire une syncope quand il va apprendre le titre de la toile ! rit Solal en lançant un regard complice à Lola. 
— Balance ! grince Antoine. 
— Alors, c’est Cléopâtre, assise, demi nue, de face sur un trône très élevé, articule Solal en prenant une voix haut perchée.
— Allez, je vous laisse dans votre monde de fous ! On se rappelle ce soir Sunshine, je t’aime, dit-il à Lola. Bye, Sol. 
Après avoir raccroché, Lola se retourne vers Solal en riant : 
— Sérieux, tu vas vraiment le dégoûter de l’art avec tes conneries. Comment tu as fait pour inventer un tel titre ? 
— Pas besoin de l’inventer, c’est le vrai, lui assure Solal. Allez, on y va !

À peine ont-ils pris leurs billets que Solal croise une connaissance de son père. Lola, n’ayant pas envie de faire des mondanités, le salue poliment et glisse discrètement à l’oreille de son ami : 
— Je vais à l’atelier du troisième étage, rejoins-moi quand tu auras terminé.
Sans même attendre sa réponse, elle monte, d’un pas rapide, l’escalier. Dès qu’elle entre dans la grande salle du deuxième étage, elle s’immobilise en souriant. Au milieu des imposantes toiles de l’artiste qui ornent les murs, elle a l’impression d’être minuscule.
C’est incroyable ! pense-t-elle. Les peintures de Moreau sont folles ! Il mériterait d’être beaucoup plus connu.
Au moment où elle s’apprête à monter au troisième étage, ses yeux se posent sur un de ses tableaux préférés. Léda. D’une voix monotone, un guide explique l’histoire de l’œuvre à un groupe de touristes. 
J’irai voir Jupiter et Sémélé dans cinq minutes, se fait-elle la réflexion. Là, j’ai envie de voir Léda. 
En attendant de pouvoir l’admirer tranquillement, Lola balaye la pièce du regard et tombe sur une autre peinture de Moreau. Les Prétendants. Captivée, elle s’en approche, ses yeux fixés sur Minerve qui trône majestueusement au-dessus d’une profusion chaotique de corps sans vie.
C’est le retour d’Ulysse à Ithaque, avec le massacre des prétendants de Pénélope. Oh ! Mais cette histoire de massacre, ça pourrait peut-être marcher avec le texte. Moreau parle des affrontements, donc il pourrait laisser un indice ici, songe-t-elle en s’approchant un peu plus. 
En examinant la toile, ses yeux sont attirés par un détail… Une épée. Placé derrière un homme allongé, cet objet au pommeau richement orné baigne dans une lumière blanche. Elle se détache nettement du reste de la composition.
Bizarre, s’étonne-t-elle. Elle ressemble un peu à celle que j’ai vue dans Jupiter et Sémélé. Mais ici, la lame est entièrement rouge. Comme si elle était pleine de sang. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, dans Jupiter et Sémélé, on dirait que cette épée a servi à blesser Sémélé. Mais, ce n’est pas logique, puisqu’elle est censée mourir foudroyée, pas transpercée…
— Ah ! Tu es là ! s’exclame Solal d’une voix enjouée qui la fait de nouveau sursauter.
— La prochaine fois, préviens quand tu débarques…, grince-t-elle.
— Désolé, mais je te cherchais au troisième étage. Pourquoi tu regardes Les Prétendants ? 
— Je me suis dit que le massacre pouvait faire écho aux affrontements du texte. 
— Ah, ouais. Je n’aurai pas pensé à ça en premier, mais ça se tient.
— Allez, mon encyclopédie, balance-moi des anecdotes sur cette œuvre, s’amuse Lola avec un sourire en coin. 
Solal se redresse, prend un air pincé et lui explique en reprenant sa voix haut perchée : 
— Même si cette toile date de 1852, Moreau y a principalement travaillé après son deuxième voyage en Italie en 1859. C’est pour ça qu’il a placé la déesse Minerve dans une représentation de l’histoire grecque. Et même si ce tableau a été peint presque quarante ans avant Jupiter et Sémélé, Moreau y a apporté des retouches jusqu’à sa mort. 
— Mais comment tu sais tout ça chaque fois ? s’étonne-t-elle avec une certaine fascination. 
— C’est comme ça, que veux-tu, je suis un génie ! la taquine-t-il en bombant le torse.
— Ouais, monsieur le génie, cette toile pourrait être pas mal comme sujet pour une nouvelle vidéo. Toi qui es en manque d’inspi en ce moment, tu pourrais utiliser cette peinture et Minerve.
— Ah, c’est vrai, je ne t’ai pas dit. Grâce à Nour, j’ai trouvé ma prochaine idée. Ce sera la suite de l’histoire sur Jérôme Bosch. Elle est inspirée par Séraphine De Senlis. Tu penses que tu pourras me faire trois ou quatre dessins pour le fond ? Je suis sûr que tu arriveras à associer les deux atmosphères. 
— Je vais vraiment finir par te demander des droits d’auteur, plaisante-t-elle. 
— Ma communauté les adore ! assure-t-il. Mes abonnés veulent tous voir tes prochains dessins. 
— Si ce sont tes abonnés qui les réclament, alors je ne peux pas leur refuser, répond-elle en rougissant légèrement. Mais promets-moi de réfléchir pour Les Prétendants. Je suis sûre que tu peux créer une dizaine d’histoires.
Cherchant un exemple, Lola pointe du doigt le coin supérieur gauche du tableau en disant : 
— Regarde ce cheval, avec ses sabots en forme de grandes griffes, et qui semble avoir la crinière enflammée. Il serait parfait pour Halloween !
— Ouais, pourquoi pas…, répond Solal, pensif. On dirait un peu celui que tu avais inventé. Tu sais, la créature de feu totalement flippante que je devais détruire avec ton fleuret bizarre. 
— Ah, oui ! Celle qu’on imaginait quand on jouait à la princesse et au chevalier, et qui m’attaquait tout le temps. C’est vrai qu’elle y ressemble, songe-t-elle en penchant sa tête de gauche à droite. C’est curieux quand même qu’elle soit aussi similaire.
— Elle fait probablement partie d’un bestiaire étranger que tu as dû voir avec ta tante, ou que mon père nous a montré pendant nos voyages, murmure Solal pour ne pas déranger le guide, qui s’est rapproché d’eux. Et c’est assez drôle qu’il l’ait placée à côté du Christ. 
— Attends, c’est vraiment le Christ, là ? s’étonne-t-elle en parlant un peu trop fort. Qu’est-ce qu’il fout au milieu des mythologies polythéistes ? 
— Moreau place toujours des symboles en rapport avec la religion chrétienne dans ses toiles, je te rappelle. 
— Oui, mais d’habitude, ils sont dissimulés, c’est comme un jeu de piste. Il nous fait chercher les différentes religions ou civilisations grâce à des indices ou à des symboles. Je ne comprends pas trop pourquoi il place le Christ de manière si visible ici. À moins que…
Elle se tait et plisse le front, réfléchissant. 
— Que ? lui demande Solal. 
— Depuis que j’ai lu ce texte, une idée m’obsède. Et si ce n’était pas un extrait d’une mythologie connue, mais plutôt une mythologie oubliée ? Imagine que Moreau, en la découvrant, ait adhéré à ces idées, remettant en question sa foi chrétienne… Et si Les Prétendants étaient liés au texte de Guillaume, il peut très bien avoir créé une diversion en mettant Jésus, afin de nous détourner du véritable sujet. 
— Tu imagines, c’est ça son grand secret ? Moreau a perdu sa foi en découvrant une autre mythologie, et nous aurait tous berné ? s’amuse-t-il en plaçant ses mains sur ses joues et faisant semblant d’être choqué.
— Tu déconnes, mais c’est peut-être vrai, dit Lola en photographiant la toile. Il a quand même caché un texte sous Jupiter et Sémélé et les deux toiles sont gorgées de détails. Ce ne doit pas être un hasard.

Après avoir pris plusieurs clichés de la peinture, les deux amis décident de monter au troisième étage. Lorsque Lola pénètre dans la première pièce, ses yeux se posent directement sur le fameux tableau réalisé par Gustave Moreau à la fin de sa vie. Cette œuvre monumentale, de deux mètres de hauteur, dégage une puissance qui l’attire instantanément. La force du bleu capte son regard en premier, mais c’est la profusion de détails qui l’émerveille par-dessus tout.
— Tu as pris le texte avec toi ? lui demande Solal en scrutant l’œuvre.
Lola sort de son sac la photocopie pliée et lui tend. 
— Il a l’air d’être placé sous Jupiter, fait-il remarquer en examinant tour à tour la toile et le texte. Ça expliquerait pourquoi, c’est le seul personnage à regarder droit devant lui.
Pendant que Solal le relit attentivement, Lola examine d’abord Jupiter, personnage le plus imposant, au centre du tableau. Mais elle ne s’éternise pas sur lui, et scrute l’ensemble de la toile, à la recherche d’autres indices.
Il y a un truc pas logique… Pourquoi les anges ont tous l’air tristes, comme peinés ou horrifiés par cette scène ? On dirait presque qu’ils sont directement affectés par la mort de Sémélé. Des anges chrétiens qui sont touchés par le sort d’un personnage mythologique, ça n’a aucun sens. Est-ce que Moreau ferait comme pour Les Prétendants ? Il transmettrait un message avec des symboles chrétiens ? 
— J’adore Moreau ! s’exclame Solal, la sortant de ses pensées. Le mec, il te place Jupiter accoudé sur la lyre, comme si c’était normal. Alors que c’est l’un des symboles de son fils, Apollon.
— Le père qui ne respecte pas son fils, c’est un classique dans les mythologies. Après, il y a aussi une lyre dans Les Prétendants, en dessous de Minerve, se fait-elle la réflexion. Ça pourrait avoir un lien avec sa lettre à Goldschmidt, là où il évoque une lumière qui nous éblouira. 
— Tu penses que c’est un nouvel indice ? 
— Possible ! On peut supposer que la lyre serait la Lumière, et donc que l’Érèbe, qui représente les ténèbres, en bas, serait l’Ombre…, interprète Lola, à moitié convaincue. 
— Tu crois que c’est ça, son fameux déséquilibre ? demande Solal en lui rendant la feuille.
— Peut-être, car si tu regardes le haut de la composition, tout est équilibré, harmonieux, alors qu’en bas, c’est un véritable fouillis. Et… Je viens de me rendre compte que, pour Les Prétendants, c’est la même chose. On a le chaos et le désordre en bas, et alors qu’en haut, tout est net et structuré.
— Donc, dans l’Érèbe, il y aurait ces sangs d’ombre et ces néombres, puisque ce sont les créations de l’Ombre ?
À ces mots, Lola frissonne et se frotte les bras de ses mains, comme pour se réchauffer. 
— Je n’en sais strictement rien, mais c’est sûrement ça, reprend-elle après un instant, car Ombre et Érèbe, ça va ensemble, non ?
— Ça paraît logique. Mais on n’aura pas de vraies réponses tant qu’on ne connaîtra pas l’origine de ces mots. Tes recherches avancent de ce côté-là ? Tu as une piste ?
— Non, pas du tout…, souffle-t-elle en rangeant la photocopie dans son cabas. J’ai tenté de les traduire et de les relier à la mythologie grecque en les comparant à tous les monstres connus, comme la Gorgone ou le Cerbère par exemple. Mais aucun résultat… 
— Alors, on part sur l’idée que ce sont des monstres mythologiques ?
—  À part ça, je ne vois pas ce que ça pourrait être.
— Si tu veux mon avis, c’est autre chose…
— Comment ça ?
Solal hésite. Depuis qu’il s’est remémoré la discussion entre Anna et son père, un détail l’obsède. Mais il ne peut pas en parler à Lola avant d’en être certain.
— Je ne sais pas trop… On ne sait même pas à quoi ressemble cette Ombre ni de la nature précise de ce déséquilibre. Alors, ne tirons pas de conclusions sur leur apparence. Continue tes recherches, et moi, je vais creuser une autre piste.

À suivre....
 
 
 

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